Maxime de Lisle, militant écologique et scénariste de bandes dessinées, et Olivier Martin, dessinateur, viennent récemment (2025) de publier un remarquable ouvrage sur l’évolution rapide de la pêche et du travail dans le secteur : On a mangé la mer. Une enquête au cœur de la crise de la pêche en France, Futuropolis, 120 planches.
Les ressources halieutiques mondiales sont aujourd’hui menacées par la surpêche mais aussi une demande de poissons nobles qui explose dans les pays riches, la mondialisation des échanges et la pollution croissante des océans dont les stocks étaient jusqu’à présents considérés comme inépuisables. En Europe, les mers qui bordent nos côtes ont été presque vidées depuis quelques décennies. Ce documentaire graphique repose sur une enquête sérieuse et fouillée, qui ne se contente pas de faire un constat précis mais qui montre comment les différentes dimensions politique, économique, sociologique et biologique sont étroitement articulées. Le consommateur qui pense vertueux de substituer le steak de bœuf au pavé de saumon, oublie que cela entraîne un développement inouï, notamment dans le nord de l’Europe de l’aquaculture gourmande en farine de poisson. Cette farine vient pour une bonne part des côtes africaines, déstabilisant la petite pêche traditionnelle et entraînant des mouvements de migrations des pêcheurs locaux dépossédés de leurs revenus vers l’Europe.
Après Pillage, qui dénonçait la surexploitation des ressources marines en Afrique, Maxime de Lisle poursuit son travail d’enquête sur la surpêche et l’importance des océans dans la crise écologique et climatique en cours. En prenant l’exemple de la France et des politiques européennes, il montre la diversité des enjeux et la profondeur des mutations à réaliser mais aussi les solutions à trouver. L’analyse est rigoureuse et s’appuie sur de nombreuses sources, des résultats scientifiques et des archives peu discutables, prenant en compte les dimensions humaines et sociales du travail dans les métiers de la pêche… Et ceci tout en évitant d’être trop alarmiste. Il y a une volonté de ne pas faire une écologie punitive mais, pour filer la métaphore, de proposer une histoire feel good. Il faut souligner la qualité du travail graphique d’Olivier Martin, plutôt réaliste mais quelquefois onirique voire surréaliste avec des dauphins volant au dessus des bateaux. La couverture résume bien cette volonté avec la une montrant un enfant pêcheur à pied au soleil couchant et quatrième, rappelant un avenir plus sombre de ces énormes chalutiers pompant en quelques secondes ce que la pêche artisanale met des mois à ramasser. Mais le dernier mot, optimiste, est laissé à Isabelle Autissier « Plus que la peur, c’est l’envie d’un monde plus humain, plus juste et plus harmonieux avec notre environnement qui peut servir de récit collectif » (121).